Sommet mondial de la société de l’information, quels enjeux pour l’Afrique ?

 

(Article publié dans la revue Les nouvelles du Sud – France – décembre 2001)

Face à l’explosion technologique et à ses impacts sur le monde, la société civile occidentale actrice du secteur s’organisent depuis quelques années. La dernière concertation à eu lieu en novembre dernier à Bordeaux en France, avec en ligne de mire l’organisation du Sommet Mondial de la Société de l’Information en 2003 par l’UIT. L’Afrique, pendant ce temps, semble bien peu active dans cette dynamique.

 

Du 08 au 10 novembre dernier ont été organisées à Bordeaux les premières Rencontres Européennes du Multimédia et de l’Internet Citoyen et Solidaire (REMICS). Elles avaient pour objectif de permettre à la société civile européenne actrice du secteur des TIC de réfléchir sur les usages de cette technologie et sur leurs impacts sur la société et l’économie. Cette rencontre entre aussi dans le cadre des concertations périodiques que ces associations organisent depuis quelques années autour de ces thématiques. Les REMICS sont motivées par deux raisons fondamentales. Les nouvelles technologies, de par leur développement spectaculaire, sont entrain de refaçonner nos modes de vie et reconfigurent les rapports sociaux. Elles bouleversent l’économie mondiale, notamment dans ses structures traditionnelles, en provoquant une redistribution des cartes entre l’Etat et le privé, souvent au profit de ce dernier. Pour toutes ces raisons, la société civile se devait de s’intéresser de près à leur développement afin de contribuer à la sauvegarde des intérêts citoyens et publics.

L’organisation du deuxième sommet mondial de l’internet citoyen (des ” réseaux citoyens “) à Buenos Aires entre aussi dans ce cadre (décembre 2001 www.globalcn2001.org). Les résultats de tous ces événements trouveront une plate-forme d’expression en décembre 2003 à Genève, durant le premier Sommet Mondial de la Société d’Information.

Le Sommet Mondial de la société de l’Information

Cette rencontre sera organisée par l’Union Internationale des Télécommunications, institution onusienne responsable du secteur. Elle a pour objectif d’offrir un cadre de réflexion mondial sur les enjeux du développement des nouvelles technologies et sur les moyens de lutter contre ce qu’il est désormais convenu de nommer ” fracture numérique “. La société civile internationale a été, première mondiale, conviée à contribuer à l’organisation de ce sommet. Elle doit réfléchir sur ces sujets et proposer une plate-forme d’actions aux organisations onusiennes et aux Etats.

Quels enjeux pour l’Afrique ?

Bien que l’énorme majorité de sa population n’y ait pas accès, l’internet est de plus en plus utilisé par les Africains. De plus, les technologies de l’information constituent un véritable outil d’appui au développement. Leur appropriation et leur pénétration sociales sont incontournables et doivent être activement accélérées. A l’image de la société civile occidentale qui s’organise sur ces enjeux, nous devons nous sentir interpellés, réfléchir et déployer une force de proposition efficiente. Il nous faut participer à la dynamique en cours, en prenant notamment part aux rencontres initiées. Une organisation des acteurs des TIC en Afrique s’impose donc. Les autres acteurs de la société civile ne doivent pas se tenir/être tenus en marge de ces réflexions.

Le Sommet Mondial de la Société de l’Information doit constituer un objectif pour nous. Cette affirmation trouve sa justification à travers deux raisons fondamentales. D’une part, comme dit plus haut, l’organisation de cette manifestation offre aux acteurs de l’internet une tribune idéale pour l’expression de leurs propositions. D’autre part, les gouvernements africains doivent aussi saisir cette opportunité pour discuter et faire des propositions concrètes aux décideurs internationaux.

Toutefois, on peut légitimement se demander si ces rencontres n’accoucheront pas, comme d’habitude, d’une souris en ce qui concerne les intérêts africains. La tentation serait grande. Combien de rencontres internationales n’ont-elles pas été organisées autour des enjeux de développement des pays du Sud bien que ces pays connaissent encore de grandes misères sociales ? L’Union internationale des télécommunications qui n’a jamais accepté de tenir compte des propositions des acteurs de l’internet citoyen serait-elle devenue désormais plus réceptive? Les multinationales qui sont les vrais maîtres du débat seraient-elles prêtes à ouvrir leurs bourses au détriment de leurs intérêts ? Les travaux de la Dot Force, constituée par le G8 pour répondre à la fracture numérique en 2000, ne sont-ils pas soldés par un résultat très mitigé (euphémisme) ? L’Afrique du Sud et le Brésil n’ont-ils pas subit les frondes de ces multinationales et de certains Etats occidentaux lorsqu’ils ont souhaité produire des médicaments à peu de frais pour lutter contre le Sida ? L’Afrique n’est-elle pas toujours criblée de dettes de plus en plus lourdes à porter ?

S’organiser, dépasser les clivages internes

Certes, les précédents ne poussent pas à l’optimisme. Nous pensons cependant qu’il est utile de ne pas se tenir en marge de ces démarches. Pour des questions de survie nous devons nous organiser pour y participer, même si nous devons rester lucides et nous répéter inlassablement comme le disaient les révolutionnaires Béninois ” Comptons d’abord sur nos propres forces !”.

Les problèmes et solutions sont connus serait-on même tenté de dire. La rencontre “Bamako 2000, internet : les passerelles du développement ” (www.anais.org/bamako2000) qui a eu lieu en 2000 au Mali avait donné lieu à l’élaboration de plan d’actions pour le développement de la société de l’information en Afrique. Les résultats du Forum sur le développement de l’Afrique organisé en Ethiopie sur la société de l’information en 1999 (FDA’99) et celles des autres rencontres régionales sont aussi disponibles. Il convient de les révisiter et de les mettre à jour pour les présenter lors de ces rencontres.

Nous devons également chercher activement les moyens de dépasser les difficultés internes de collaboration. Les clivages entre anglophones et francophones sont difficiles à transcender mais nous devons plus que jamais œuvrer dans ce sens. Les lenteurs qui caractérisent la mise en œuvre de l’AFRINIC (futur registre africain de l’internet) ne nous font pas honneur. L’Afrique de l’Union Africaine ne peut plus se permettre ce luxe.

Comme des forcenés, nous devons garder l’optimisme ; rester lucides et ne pas croire à la baguette magique. Mais c’est maintenant que nous devons nous organiser. Chaque jour qui passe, chaque technologie qui s’invente sans notre participation, nous enfonce encore plus dans le sous-développement.

Ken Lohento

Quelques sources d’informations

REMICS 
GCN2001 à Buenos Aires 
GCN2000 à Barcelone 
FDA’99 
Dot Force 
Bamako 2000, internet : les passerelles du développement 
Sommet Mondial de la Société de l’Information : société civile , officiel

 

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